COMMENT ABORDER UN PROJET D’ENTREPOT MODERNE (L’AUDIT - 1ERE PARTIE)
Le processus de révision du fonctionnement d’un entrepôt/magasin (réorganisation pour améliorer l’efficacité, agrandissement, innovation technologique, etc.) est abordé par de nombreuses entreprises de manière simpliste, celles-ci négligeant l’étendue des implications qu’il peut y avoir sur le plan économico-financier, technologique, organisationnel, humain et les répercussions qui vont se produire tant au sein de l’entreprise que dans la chaîne logistique (Supply Chain).
En réalité, l’entrepôt ne doit pas être uniquement interprété comme une entité physique (les locaux de l’entreprise où sont stockées les marchandises), mais plutôt comme un segment important de la chaîne d’approvisionnement, influencé par les stratégies de l’entreprise et influant sur celles-ci et qui peut donc être un frein ou un levier décisif pour la compétitivité.
Par exemple, quand parmi les difficultés d’un entrepôt est mis en évidence le manque d’espace, la réponse ne doit pas être trouvée en cherchant seulement à agir sur les techniques de stockage/manipulation, mais en évaluant aussi si une autre gestion des stocks (plus attentive à accélérer la rotation, aux différentes relations avec fournisseurs et clients, etc.) ne pourrait pas produire des avantages, notamment sur les volumes de marchandises qui doivent être stockées.
Il faut aussi tenir compte du fait que les limites de l’entrepôt/magasin ont changé par rapport à celles dont il était fait référence il y a quelque temps; aujourd’hui, l’entrepôt peut aussi se trouver en partie hors de l’entreprise et pas seulement en raison d’un choix d’externalisation (outsourcing), mais aussi et surtout à la suite de politiques d’approvisionnement ou de production qui voient s’impliquer dans la gestion de la chaîne logistique d’autres entreprises avec lesquelles une relation de partenariat s’est instaurée.
LES PREREQUIS DE L’ENTREPOT
- flexibilité opérationnelle élevée;
- rendement élevé des équipements et des personnes;
- saturation élevée des espaces avec de bons niveaux de sélectivité;
- justesse de ce qui est prélevé et des inventaires;
- capacité à maîtriser les urgences et les planifications difficiles;
- vitesse de réponse élevée aux sollicitations des utilisateurs;
- rapidité et fiabilité de la communication des informations;
- diminution des temps de traversée de l’entrepôt.
S’attaquer à un projet de réorganisation de l’entrepôt/magasin qui n’élargit pas le champ de la sphère purement physique à celle de l’organisation et de la gestion serait par conséquent une approche partielle qui ne produirait pas de très bons résultats.
Plus un projet couvre de nombreux secteurs dans l’entreprise et hors de l’entreprise, plus il devient complexe et, par conséquent, on doit le traiter avec des niveaux d’expertise appropriés.
Parfois, certains chefs d’entreprise sont convaincus que les compétences présentes en interne dans la zone de la logistique et de la manipulation des marchandises (handling) suffisent à résoudre les problèmes en jeu et pensent qu’il n’est pas productif d’investir dans des compétences spécifiques externes, typiquement celles déployées par un consultant, se contentant du savoir-faire (influencé ?) des fournisseurs d’équipements, d’installations, de logiciels, etc.
Cette attitude du « fait soi-même » se justifie en partie par la faible présence d’organismes pertinents en conseil et conception logistiques qui sont en mesure de faire face aux problèmes de la chaîne logistique dans sa globalité, pouvant compter sur divers profils professionnels flexibles ; par ailleurs, elle se justifie par la diffusion de simples professionnels (qui, bien entendu, ne peuvent pas déployer une gamme de compétences étendue et efficace) lesquels, la plupart du temps, se sont improvisés consultants par nécessité fortuite (plutôt que par choix) à la suite d’interventions de restructuration dans l’entreprise ou … pour arrondir leur retraite.
Si nous regardons au-delà de nos frontières vers les entreprises les plus modernes du nord de l’Europe et de l’Amérique du Nord, nous découvrirons une autre approche pour traiter les problèmes logistiques et de l’entrepôt en particulier, qui est basée sur le recours, en appui au personnel interne de l’entreprise, à des sociétés spécialisées en conseil. Celles-ci sont des structures de taille moyenne qui ont en général quelques dizaines d’employés, mais qui sont très spécialisées et disposent de tous les outils de conception les plus pointus.
Ce type d’approche demande un investissement un peu plus élevé dans la phase de conception (qui d’ailleurs est amplement moins coûteuse que toutes les phases d’une intervention de réorganisation), mais se traduisant par un avantage ultérieur mesurable, non seulement sur le plan des résultats opérationnels de la réalisation (diminution des risques), mais aussi avec une diminution du montant de l’investissement global et des durées de réalisation (figure 1), ce qui compense largement la rémunération demandée par la société de conseil.
Après avoir établi que traiter un projet de réorganisation de l’entrepôt ne signifie pas seulement envisager une configuration plus efficace, essayons de décrire quelle pourrait être la meilleure méthode pour produire d’"excellents" résultats; désormais, dans les activités commerciales modernes et hautement compétitives, les "bons" résultats ne suffisent plus.
La méthode que nous suggérons et que nous allons décrire (brièvement) ci-dessous a une valeur générale ; bien entendu, les problèmes de chaque entreprise sont empreints de spécificités à la suite desquelles les différentes étapes du projet peuvent revêtir une importance différente, tant en termes absolus que relatifs.
Les principales actions à entreprendre qui peuvent à leur tour être développées dans d’autres activités (figure 2) sont les suivantes:
- évaluer la nécessité de réaliser des actions d’amélioration et dans quelle direction (audit);
- déterminer comment faire les actions d’amélioration, avec quels moyens et à quels coûts (étude de faisabilité);
- réaliser le projet.
LES PHASES DU PROJET
Il est important de bien connaître sa propre entreprise pour comprendre de manière objective la situation de l’entrepôt en termes d’efficacité; il ne faut pas se baser sur des impressions générales et on ne doit pas attendre que les difficultés deviennent si évidentes et si graves qu’elles soient clairement considérées comme insoutenables ; il est nécessaire de disposer de paramètres quantitatifs qui permettent d’effectuer une évaluation immédiate et fiable de la situation logistique et de l’entrepôt en particulier. Les paramètres à relever et à gérer concernent les aspects les plus communément critiques : occupation de l’espace, productivité dans les différentes zones opérationnelles, rapidité des temps de réponse, justesse des opérations (de combien d’erreurs se plaignent les clients ?) et justesse de la gestion, rotation des produits, pourcentage de manquants (par lignes, articles, valeur), etc.
Le relevé de ces données doit permettre d’évaluer la progression d’efficacité de l’entrepôt ainsi que de relever rapidement les écarts qui conduisent à un recul des performances ou à une saturation des capacités.
La possibilité de mesurer l’activité est liée à l’existence d’un système efficace de comptabilité d’exploitation qui ne demande pas l’implication de beaucoup de personnel pour les relevés et les calculs.
LA MESURE DES PERFORMANCES (EVOLUTION DES INVESTISSEMENTS)
- Comparaison des données par rapport à l'historique
- Calcul de l'incidence des coûts sur les ventes
- Service: Chiffrage et contrôle des anomalies
- Comparaison des données par rapport au budget
- Comparaison de la productivité avec l'historique.
- Service: Comparaison avec les performances de la concurrence
- Comparaison des données par rapport aux standards
- Comparaison de la productivité avec les objectifs
- Service: Comparaison avec les attentes du client
Il existe plusieurs façons d’atteindre cet objectif :
- employer les données déjà élaborées par le progiciel de gestion intégrée de l’entreprise (ERP - Enterprise Resource Planning)
- utiliser les données et la capacité de calcul d’un système qui élabore les données relatives à l’entrepôt (WMS - Warehouse Management System)
- employer un système pointu de "reporting" (rapport d’activité) basé sur un logiciel de Business Intelligence (informatique décisionnelle).
La troisième solution est sans aucun doute la meilleure, surtout si au moment de son installation, les performances spécifiques de la logistique et de l’entrepôt ont été prises en compte : dans ce cas, en élaborant les valeurs dûment recueillies dans une base de données organisée (data warehouse), il est possible d’établir le relevé de plusieurs indices de performance relatifs à l’occupation de l’espace (emplacements occupés/emplacements disponibles, unités logistiques complètes présentes, etc.), à la productivité des opérations (nombre de palettes manipulées par heure, nombre de colis prélevés par heure, nombre de lignes par heure, etc.), à la gestion des stocks (rotations, analyse ABC, analyse ABC croisée, lead time (temps passé entre la réception d’une commande et sa livraison), etc.), au respect des paramètres concernant le service au client (lignes exécutées/lignes commandées, délai de livraison, réactivité par rapport aux urgences, justesse, etc.) et ainsi de suite.
Les outils modernes de Business Intelligence permettent de "naviguer" dans les rapports et ensuite de pouvoir être très critiques et d’aisément interpréter les données. Un produit intéressant de Business Intelligence est le KPM Enterprise de Simco qui comprend, entre autres, un module spécifique constitué de quelques modules pour la logistique qui proposent plus de 100 rapports dans lesquels l’utilisateur peut naviguer et qu’il peut directement personnaliser. Ces modules permettent d’explorer la zone des approvisionnements, les flux et les résultats opérationnels (lead time et productivité) de l’entrepôt.
S’il n’est pas possible de bénéficier d’un système de mesure moderne et efficace qui permette un suivi permanent des indicateurs de performance, il est vraiment nécessaire d’effectuer périodiquement un relevé et un calcul de ces valeurs, du moins les principales.
Les techniques applicables sont multiples et vont de l’analyse du travail aux relevés aléatoires, de l’interprétation des données élaborées par lots à la consultation des rapports classiques; cependant de cette façon, on disposera de données moins immédiates, parfois moins fiables et, dans tous les cas, leur approfondissement peut exiger beaucoup de temps, une ressource précieuse que le chef d’entreprise a désormais l’habitude de doser.
En outre, on peut ajouter que la possibilité de disposer d’indices de comparaison par rapport à ce qui se passe dans d’autres entreprises (benchmarking), en particulier si ces entreprises sont du même secteur d’activité, permet de quantifier l’éventuel écart de performance et, par conséquent, l’urgence et l’ampleur des actions d’amélioration à entreprendre.
En fait, l’utilisation du benchmarking n’est pas très répandue et il est donc assez difficile d’obtenir ces éléments de comparaison si l’on ne fait pas appel à la connaissance de ceux qui travaillent depuis longtemps et de manière organisée dans le secteur, comme les spécialistes des sociétés de conseil en logistique.
L’audit doit également analyser les processus et vérifier s’ils se réalisent sans effectuer des opérations n’apportant aucune valeur ajoutée ; il doit scruter si les différentes étapes peuvent constituer des goulots d’étranglement, soit parce qu’elles sont intrinsèquement peu cohérentes, soit parce qu’elles déclenchent des connexions peu précises - voire conflictuelles - avec d’autres fonctions de l’entreprise ou bien parce qu’elles sont réalisées avec des outils inappropriés.
L’audit doit être impitoyable et aborder tous les sujets, y compris celui de la qualité et celui de la motivation du personnel ; c’est pourquoi il doit être fait par un consultant expérimenté et les compétences managériales doivent prévaloir sur celles techniques.
La plupart du temps, les sociétés de conseil disposent de leur propre méthode pour effectuer l’analyse et utilisent des instruments-guides déjà testés ; dans certaines situations, quand, par exemple, l’audit s’étend à toute la chaîne logistique, on peut aussi utiliser des logiciels ou des méthodes spécifiques avant-gardistes. À ce sujet, on peut rappeler la méthode SCOR (Supply Chain Operations Reference) mise au point par le "Supply Chain Council", une organisation indépendante à but non lucratif qui opère à l’échelle mondiale.
Après avoir diagnostiqué les causes qui compromettent les bonnes performances de l’entrepôt, il faut intervenir pour corriger la situation ; mais de quelle manière ?
L’audit est certainement en mesure d’identifier les zones critiques, les degrés de priorité des interventions à réaliser, mais ce n’est absolument pas son rôle de définir comment les réaliser, avec quelles technologies et avec quelles interventions sur le plan de l’organisation.
C’est la mission de l’étude de faisabilité.
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